J'ai rentré à l'intérieur il y a quelques semaines (à un moment où il a gelé quelques jours) mon pied de Murraya paniculata, qui était plein de boutons de fleurs depuis la fin de l'été, mais sans qu'ils se développent. Dès qu'il s'est retrouvé à l'intérieur il s'est mis à fleurir, tellement que toute la maison sent la fleur d'oranger depuis deux semaines.
Demain je pars en France pour les vacances de Noël et c'est quand même dommage de le laisser fleurir et faner dans le vide sans le voir ni rien, et en plus ça fera plein de pétales à ramasser par terre en rentrant...
Alors je me suis demandé si c'était possible de faire de l'eau de fleur d'oranger. Normalement, c'est fait spécifiquement avec des fleurs d'orange amère (Citrus × aurantium) mais je suspecte que c'est surtout parce que d'une part ça fait beaucoup de fleurs, et d'autre part les fruits ont moins de valeur que d'autres agrumes. Je ne pense pas que la fleur d'orange amère soit fondamentalement indispensable et meilleure que la fleur de citronnier ou de bergamote. Et donc après tout, le Murraya est un cousin des agrumes, les fleurs sentent vraiment comme les fleurs d'oranger, les fruits sont comestibles aussi (malgré ce qu'en disent certaines sources qui confondent "sans intérêt particulier" et "non comestible") et c'est déjà utilisé pour son huile essentielle (doi.org/10.1080/0972060X.2017.1312552) et même ses feuilles en cuisine (doi.org/10.1016/j.focha.2023.100481). J'essaierai un de ces jours.
Du coup j'ai aussi trouvé un article qui parle d'arômes alimentaires non-conventionnels en citant spécifiquement Murraya et Piper ! Exactement mon truc.
Bref, je me suis dit pourquoi pas utiliser ces fleurs de Murraya paniculata pour faire de l'eau de fleur d'oranger. Mais ce n'est pas si simple, ça peut se faire simplement en faisant tremper les fleurs dans de l'eau, chaude ou froide, et/ou en les écrasant, mais c'est pas la méthode principale. La "bonne" méthode, c'est de distiller l'eau pour récupérer l'hydrolat, dans lequel est concentré l'arôme, et qui en plus est plus ou moins stérilisé.
Seulement ce n'est pas si simple et j'ai d'abord fait quelques tests avec l'écorce d'un combava dont je ne savais pas trop quoi faire (pour éviter de gaspiller mes fleurs).
Il y a un appareil prévu exprès pour ça mais... je ne l'ai pas.
Donc j'ai d'abord essayé la méthode la plus simple avec un couvercle retourné au-dessus d'une casserole, et une tasse au milieu pour récupérer l'eau qui condense sur le couvercle et coule jusqu'à la poignée, si vous voyez le principe, mais ça marche assez mal, beaucoup de vapeur s'échappe et il faut mettre de l'eau froide sur le couvercle pour aider la vapeur à condenser, j'ai vite abandonné.
Après réflexion j'ai trouvé une gourde en aluminium dont le goulot comporte un pas de vis du même diamètre qu'un embout de tuyau d'arrosage, ainsi qu'un autre embout dont le pas de vis a le même diamètre qu'une valve dont l'autre bout a le même diamètre que le tuyau en silicone que j'utilise pour le refroidissement par eau de l'éclairage de la serre, et un réducteur pour l'autre diamètre de tuyau en silicone que je possède, plus fin et qui correspond mieux au petit volume dont j'ai besoin.
Voici donc l'installation à laquelle je suis arrivé. J'ai des joints alimentaires de tous les bons diamètres, mais bien sûr les embouts de tuyaux d'arrosage ne sont pas vraiment aux normes alimentaires... D'ailleurs, l'intérieur des gourdes en aluminium comporte en général une couche de plastique contenant souvent du bisphénol A.
Après avoir distillé avec succès 100 mL d'hydrolat de combava (que j'ai finalement jeté parce que ça n'a pas d'intérêt particulier par rapport aux feuilles, et j'ai autant de feuilles que je veux déjà) j'ai décidé d'essayer avec les fleurs.
Comme vous pouvez le voir, ça a très bien marché. J'en ai obtenu 200 mL, le liquide dans la première bouteille a une teinte légèrement plus jaune, mais l'odeur est la même. C'est peut-être moins fort dans la seconde, mais c'est difficile à dire, surtout après avoir passé la soirée dans ces odeurs.
En tout cas j'ai comparé par rapport à de la "vraie" eau de fleur d'oranger du commerce que j'ai, et ce n'est pas exactement la même chose, mais ça me semble parfaitement acceptable. J'utiliserai la mienne la prochaine fois que je fais des crêpes.
PS : cette "vraie" eau de fleur d'oranger Diwan est faite à partir de... fleurs d'oranger préalablement aromatisées, puis distillées ! Incroyable. Il y a toutes les chances pour que la mienne soit plus proche du vrai produit traditionnel, finalement.