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Le 8 floréal an CCXXXII

Forger une bague en or, à partir d'une pièce d'or

Liens

  1. Making a Ring With a Hammered Finish in Less Than an Hour (from Scratch)
  2. Making a Mexican Gold Coin into 2 Rings (première partie sur une bague à partir d'une pièce, mais seconde sur une bague à partir du centre, fondu)
  3. Melting Gold & Silver: The Ultimate Guide to Graphite Ingot Moulds in Jewelry Making (pas du tout un guide, et certainement pas ultimate, mais intéressant et je retrouve pas mal ma propre expérience dans ses remarques sur les interventions de "pros" sur les forums
  4. ganoksin orchid un forum avec énormément de discussions, y compris très anciennes, sur la joallerie et l'orfèvrerie, mais il faut arriver à faire la distinction entre les informations et les superstitions...

Validation de principe, avec du cuivre

Pour éviter d'acheter pour des centaines d'euros d'or et d'équipement pour rien, j'ai commencé par tester le truc avec du cuivre. Le cuivre c'est pas mal comme substitut à l'or, parce que ça fond à la même température mais c'est plus dur, plus difficile à mouler, meilleur conducteur thermique donc plus difficile à fondre, donc si je peux faire une bague en cuivre je pourrai vraisemblablement en faire une en or. Et ce n'est pas très cher, je peux me permettre d'en gaspiller des dizaines de grammes, contraiement à l'or.

Pour commencer donc, je me suis procuré un creuset en quartz et une torche pas chère à Leroy Merlin, qui fonctionne avec des bouteilles jetables de 300 grammes d'un mélange butane-propane, théoriquement suffisant pour fondre le cuivre.

J'ai construit une sorte de petite forge avec les briques de mes anciens radiateurs à accumulation de chaleur (que Recupel n'a pas voulu reprendre avec le reste des radiateurs). Ça permet d'éviter de gaspiller trop de chaleur, donc de gaz, en chauffant le métal dans un endroit bien fermé.

Après quelques essais, le temps de trouver une bonne architecture pour la forge et les bons réglages pour la torche, j'ai pu faire fondre deux grammes de cuivre et applatir le résultat avec un simple marteau. C'est plus dur que je ne pensais, il faudrait probablement recuire la pièce plusieurs fois pour que ce soit plus facile, mais je ne voulais pas trop gaspiller de gaz non plus parce que la petite bouteille avait déjà bien morflé.

La prochaine étape sera de couler le cuivre dans un moule pour obtenir une petite barre. J'aurai probablement besoin de plus de gaz et peut-être d'une deuxième torche pour ça.

Si ça fonctionne et que j'obtiens une barre raisonnablement bien coulée, j'aurai besoin d'un laminoir pour en faire une baguette applatie. Mais ça coûte un peu, donc je n'achèterai ça que si j'arrive à obtenir une barre, sinon j'annulerai mon projet.

Fonte

Après mes premiers tests, j'ai reçu le moule et en passant à Leroy Merlin, j'en ai profité pour acheter une bouteille de butane et une torche qui peut s'adapter dessus. Ça ne chauffe pas autant que le propane, mais c'est plus facile à gérer et mon idée est de l'utiliser pour chauffer la petite forge, le moule, le creuset et d'utiliser la petite torche plus chaude seulement pour la dernière étape de fonte.

Je ne vais pas faire durer le suspens plus que ça : ça a pas trop mal marché. Après avoir tout chauffé au rouge avec le butane, sans que le cuivre n'atteigne son point de fusion (parce que le butane ne chauffe pas assez) j'ai allumé la torche butane-propane et ça a fondu en quelques dizaines de secondes. J'ai versé dans le moule (sur lequel était encore dirigée la flamme de butane) et... sur les 4 grammes, 1 gramme a bien coulé au fond et le reste s'est solidifié au bord du moule, sans avoir eu le temps de couler.

Mais 1 gramme, c'est en fait à peu près ce dont j'ai besoin pour une bague de 16 mm de diamètre et 1,5 mm de largeur.

Laminage

J'ai donc commandé le laminoir, qui est arrivé en quelques jours (le seul équipement vraiment cher jusqu'ici : 125 € quand même).

Et, bah rien de spécial, ma petite barre de moins d'un centimètre de long et 4 mm de diamètre s'est très bien étirée et applatie, jusqu'à obtenir une bande de 5 centimètres de long, avec une surface bien lisse et jolie même sans avoir été polie.

Je l'ai ensuite doucement courbée autour d'un tube de 16 mm de diamètre avec un maillet en bois. Pas très pratique à faire, mais ça va. Il y a des outils pour faire ça aussi, qui sont sûrement plus rapides.

Je ne suis pas exactement certain du diamètre dont j'ai besoin, donc je n'ai pas encore tenté de souder les deux bords.

Soudure

À mon premier essai, j'ai juste fait fondre toute la bague.

Après avoir refait une bague (mais moins bien parce que je suis allé trop vite) j'ai pu la souder avec de la soudure cuivre/argent qu'on trouve dans les magasins de bricolage, pour la plomberie. La soudure est visible, mais en limant et en polissant on ne voit plus que la différence de couleur, ce qui n'est pas un problème dans mon cas.

J'ai aussi fait un autre essai encore en cuivre, sans souder au niveau de la fermeture pour pouvoir ajuster plus facilement le diamètre. Ce n'est pas affreux, mais ce n'est pas ce que je veux pour la bague finale.

Polissage

Pour polir, j'ai des petits cylindres en feutre de laine qui se fixent sur une perceuse avec un adaptateur. La surface étant déjà bien lisse, j'ai directement poli à sec avec ces tampons, et le fini est assez bien, mais pas miroir, ça reste assez mat.

J'ai aussi des éponges qui grattent en une sorte de laiton, et ça marche pas mal pour polir les métaux, le résultat est plus proche du miroir.

Argent

Puisque ça marchait pas trop mal avec le cuivre, j'ai acheté (pour environ 7 €) une pièce de 5 francs de 1960 en argent 835‰. La pièce fait 12 grammes, soit bien plus que nécessaire pour une ou deux bagues.

Première surprise, je savais que le point de fusion serait plus bas que le cuivre mais là c'est impressionant, ça va beaucoup plus vite, c'est très facile à fondre du coup.

Et assez facile à laminer aussi, mais j'en avais pris un peu trop et ça fait une bague un peu grosse et des bavures. Mais ça marche. Je l'ai soudée avec la soudure cuivre/argent.

Or

Ne reste plus qu'à acheter une pièce d'or, une pièce de 10 francs en or 900/1000. Finalement, les pièces de 10 francs ne sont plus disponibles dans les bureaux près de chez moi (pour acheter de l'or à Anvers j'ai l'embarras du choix, mais peu proposent des petites dénominations, ou alors avec une marge très élevée, pour les collectionneurs) donc je prends une de 20 francs. C'est quand même deux fois plus cher mais avec une marge plus faible (1% contre 5%), donc finalement j'y gagne un peu, et ça me laisse de quoi faire deux bagues au lieu d'une (à 2-3 grammes par bague).

La voilà, donc. Dans les 400 euros quand même pour ces 5,8 grammes d'or au cours du 11 avril 2024, mais déjà dix euros de plus au moment où j'écris ces lignes, quelle absurdité quand même. Je m'attendais à une pièce pas forcément parfaite, mais finalement elle est de très bonne qualité, plus belles que des pièces que je trouve à vendre pour plus cher sur eBay estampillées "fleur de coin" (soit "qualité parfaite"). Si je n'avais rien d'autre à faire avec, je la mettrais en vente sur eBay pour voir combien on peut en tirer. Mais là je vais juste la faire fondre. Dit comme ça, ça donne l'impression de détruire quelque chose de valeur, mais en fait plus de 500 millions de ces pièces ont été frappées, donc la pièce elle-même n'a pas tellement de valeur en dehors de son contenu d'or.

Fonte

Finalement c'est un peu plus compliqué que prévu : la quantité est plus petite, et ça refroidit trop vite pour le couler dans le moule. Il me faudrait probablement du propane pour chauffer le moule lui-même suffisament, mais je n'ai pas très envie d'acheter encore une autre bouteille de gaz (même si c'est consigné). Mais j'ai aussi des petits moules en graphite³ qui sont en fait infiniment plus pratiques pour faire fondre de petites quantités de métal.

Malheureusement, le plus petit que j'ai pu trouver peut contenir 15 grammes d'or (il y en a d'autres mais bien plus chers, ça c'est 3-4 euros sur Aliexpress) et c'est un peu trop gros : l'or forme une goutte presque sphérique quand on en fait fondre 4 grammes dans ce moule. Après quelques essais infructueux pour en faire une barre au laminoir ou au marteau (avec à chaque fois des résultats inutilisables, de traviole, avec des bords pas droits, avec des petits morceaux qui s'écaillent, etc) j'ai fini par découper un petit bloc de graphite d'un autre moule (à la scie à métaux, ça marche très bien) pour réduire la taille du moule de 15 grammes, et en refondant l'or encore une fois là-dedans ça a donné une petite barre de section carrée, d'à peu près 4mm de large. Parfait pour ce que je veux.

Laminage, soudure

Le reste n'est qu'une répétition de ce que j'ai déjà fait en cuivre et en argent, le résultat est tout à fait satisfaisant :

Polissage

Pour polir la bague, j'ai refait la même chose qu'avec le cuivre soit feutre de laine et éponge qui gratte en laiton. Mais j'ai aussi construit une sorte de polisseuse rotative, à utiliser avec des billes inox pour bien brunir la surface de la bague. Mais ça fera l'objet d'un autre billet, probablement.

Conclusion

Eh bien c'était bien plus facile que prévu, et c'est plus satisfaisant que de choisir l'équivalent dans un magasin. Je ne pense pas avoir fait d'économies significatives (à la limite, pour le prix de bijoux 18 carats je me retrouve avec du 21 carats) mais l'avoir fait soit-même, ça n'a pas de prix. En regardant de près on voit des imperfections, mais à distance normale rien de spécial.

Après, ça reste quelque chose de très simple, pour mettre des pierres ou avoir des motifs fantaisie, il faudrait probablement des compétences bien au-delà des miennes.

J'aurais dû prendre plus de photos parce qu'à me relire, les photos que j'ai ne sont pas de très bonne qualité, et je n'ai même pas une photo du résultat final. Mais bon, c'est trop tard maintenant.

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